Jean-Marc Narbonne
Les meilleures raisons selon Aristote
pour vivre en démocratie
Abstract
In his Politics, Aristotle argues in favour of a moderate democratic regime, what he calls politeia, which starting from Book IV – but in accordance with the developments already seen in Book III, chap. 11 especially – represents the new best regime (ἀρίστη πολιτεία), a regime counting a large amount of middle class citizens all in turn taking parts in public affairs, a regime that is appropriate to the vast majority of peoples and cities and which, moreover, is more stable than all others, a constitution of the future, as he himself pronounces it. No other form of government in the treatise receives such a praise, no doubt a serious turn in political history, when we compare it to previous thinkers, especially to the way Plato viewed democracy. The paper therefore contrasts the widespread commonplace of an Aristotle politically acquiescent to the authoritarian orientation of the Macedonian monarchy or a follower of Plato, more or less, in his political preferences. Such a radical rethinking of the intellectual message of the Politics compels us to reflect further on the historical impact of the organization of the corpus on its reception: we cannot exclude the possibility that the relevance of Aristotle’s arguments in favour of some sort of moderate democracy is obscured by their location in Politics books III-IV, making it seem as if their theory of ‘the best politeia’ was a transitional position meant to be superseded by the final books VII-VIII, whose position was already questioned in the nineteenth century but has been more accepted in recent times.
Keywords
Aristotle, Political Philosophy, Democracy, Politeia, Best Regime
Author
Jean-Marc Narbonne
Université Laval, Québec
jean-marc.narbonne@fp.ulaval.ca
Dans un ouvrage publié récemment intitulé Sagesse cumulative et idéal démocratique chez Aristote,[1] j’ai proposé un éclairage à certains égards nouveau sur la pensée politique du Stagirite, une réflexion dont il faut rappeler qu’elle constitue encore aujourd’hui l’une des références majeures en philosophie politique. Deux remarques préliminaires tout d’abord, avant d’en venir à l’exposé synthétique du contenu de ce livre et à quelques énoncés sur le potentiel critique encore aujourd’hui, éminemment critique même, des réflexions politiques d’Aristote :
1. Il est bien entendu que ce dernier n’a pas écrit, comme s’il s’agissait d’une œuvre planifiée et finalisée, un traité de philosophie politique en tant que tel, à savoir celui dont nous disposons aujourd’hui, car le traité des Politiques que nous possédons est en réalité composé de huit Livres dont les péripéties d’assemblage nous sont inconnus et entre lesquels les liens réciproques sont bien loin d’être manifestes. L’on y retrouve en effet des coupures, des interruptions, des redites, etc., tant et si bien qu’on a pu parler à leur endroit d’un fatras en huit Livres.[2] La place notamment des Livres VII-VIII par rapport à l’ensemble demeure très incertaine et d’ailleurs débattue, et j’ai moi-même défendu après d’autres l’idée qu’ils représentaient des vues vraisemblablement anciennes, platoniciennes pour être clair, sur la cité. Personnellement, je pense qu’ils remontent à une période au minimum antérieure à la rédaction du Livre III. Après le Livre I (introductif), le Livre II (doxographique) et le Livre III (théorique, c’est-à-dire abordant sur le plan des principes généraux les notions de cité, de citoyenneté et les différentes formes de régimes possibles), se lit la trilogie des Livres IV-V-VI, des exposés dits « réalistes » qui, de l’avis quasi unanime des spécialistes, forment un tout relativement homogène. D’où la série : I ; II (VII-VIII, intercalation ou rédaction séparée?) ; III ; IV-V-VI. Mis dans cet ordre, les développements du Livre III concernant la sagesse cumulative (chapitre 11 surtout mais pas seulement) trouvent un aboutissement relativement cohérent au Livre IV dans la défense de la politie (πολιτεία, mélange d’oligarchie et de démocratie avec prépondérance accordée à l’élément démocratique), à savoir la nouvelle constitution excellente (ἀρίστη πολιτεία) aux yeux d’Aristote, la politie remplaçant à ce titre la royauté ou l’aristocratie privilégiée auparavant par Platon et par bien d’autres.
2. Il est entendu par ailleurs que la disparité des points de vue entretenus par Aristote dans l’ensemble de ce traité mais aussi dans d’autres de ses écrits sur la valeur respective des différents régimes politiques, rend extrêmement difficile la reconnaissance chez lui d’une prédilection nette accordée à un régime particulier par opposition à d’autres. Une constitution, à ses yeux, est bonne dès lors qu’elle vise le bien de toute la cité dans son ensemble et qu’en même temps elle s’avère adaptée aux circonstances données de même qu’au type de peuple auquel elle s’adresse, ce qui évidemment rend possible plusieurs d’entre elles (royauté, aristocratie, politie). Néanmoins, « à défaut d’être un démocrate acharné ou toujours constant », comme nous l’avons fait remarquer,[3] il est clair que le Stagirite développe avec force et conviction au Livre III une argumentation en faveur de la sagesse collective, à savoir l’idée d’une sagesse cumulative ou sommative (Summierungstheorie) qui accorde au peuple – ou du moins à certains types de peuples – la capacité collective, par le biais de la délibération, de juger avec pertinence et efficacité des affaires de la cité, cette capacité pouvant non seulement égaler mais même dépasser à l’occasion le savoir des experts, une thèse d’orientation clairement démocratique et qui se montre par ailleurs en phase avec les exposés subséquents du Livre IV concernant les atouts d’un gouvernement de la classe moyenne et les bienfaits d’une démocratie modérée, à savoir d’une politie. Cela étant dit, d’autres formes de gouvernement lui paraissent par moments encore et toujours légitimes (en vrai, il n’en exclut quasiment aucune), et il n’y a dès lors rien d’étonnant à ce que certains commentateurs, privilégiant plutôt d’autres passages du traité pris globalement (incluant bien sûr les Livres VII-VIII), aient pu être conduits à lui prêter d’autres inclinaisons que celle démocratique au sens large. Néanmoins, le parcours que j’ai décrit allant du sommet atteint en III 11 au nouveau sommet conquis en IV 11-13, paraît non seulement défendable ou argumentable en soi mais en vérité clairement supérieur à tout autre, car enfin, c’est bien ce gouvernement de la classe moyenne et lui seul, cette démocratie assortie d’éléments oligarchiques si l’on préfère, bref cette politie et nulle autre qui se voit consacrée et expressément dénommée « constitution excellente » (ἀρίστη πολιτεία), et cela, insiste Aristote, pour l’immense majorité des cités (1295b28; 35; 1296b2; 1297b33), celui-ci se référant alors à « une vie que la grande majorité des gens soient capables de mener en commun et à une constitution que la grande majorité des cités puissent adopter » (1295a29-31), une claire révolution par rapport au point de vue défendu par Platon, mais une révolution, comme on y a insisté, mesurée, modérée, bref tranquille.
À la suite d’un premier chapitre introductif attirant l’attention sur la spécificité de l’approche que nous avons choisie pour aborder la pensée politique d’Aristote, soit l’argument cumulatif de III 11.1281a40-1282b1, le second chapitre de notre ouvrage (« Le projet politique d’Aristote, ou comment s’arracher à l’orbite platonicienne ? ») aborde la question centrale de l’opposition du Stagirite aux analyses politiques de Platon dans la République et subsidiairement dans les Lois.
Dès les premières lignes de son essai, Aristote marque sa différence fondamentale avec le point de vue platonicien en posant que la communauté politique se distingue spécifiquement ou par l’espèce (εἴδει) des autres types de communautés (une cité n’est pas simplement une grosse famille), dans la mesure où la cité est par définition le lieu d’un partage égal du pouvoir, là où l’on est « à tour de rôle gouvernant et gouverné ». L’idée du « à tour de rôle » (κατὰ μέρος ou ἐν μέρει ou ἀνὰ μέρος, 22 occurrences de ces trois formules dans l’œuvre) constitue un véritable leitmotiv du traité aristotélicien, car c’est elle qui confirme l’échange des fonctions entre les citoyens et ainsi la participation de tous aux affaires de la cité. C’est ce qu’exige une cité formée de gens « libres et égaux (ἐλευθέροις καὶ ἴσοις) » (1261a32), et c’est en ce sens qu’Aristote peut parler de la permutation réciproque des fonctions comme d’une sorte de devenir autre social : « Alors, les uns gouvernent et les autres sont gouvernés chacun à tour de rôle, comme s’ils étaient devenus autres » (1261b4-5). Bref, la diversification civique ou sociale dépend elle-même de la différenciation dynamique des fonctions, une différenciation qui n’a pas cours chez Platon, lequel plaide au contraire pour l’exclusivité fonctionnelle (en grec οἰκειοπραγία), un terme d’ailleurs forgé par lui), le « à chacun sa tâche propre » faisant en sorte que celui qui est appelé à commander commandera et sera seul à commander, même chose pour celui appelé à cultiver, à commercer ou à guerroyer.
Arrêtons-nous un instant sur ce concept de l’οἰκειοπραγία énoncé en République, IV 434c8. Le terme n’existait pas auparavant dans la langue grecque, comme on l’a dit. Forgé donc par Platon lui-même, il est au fondement de sa conception de la justice. Ce dernier signale en effet, après avoir décrit en quoi consistait l’injustice : « Le contraire de cette injustice-là serait donc la justice, qui consisterait pour chaque classe, celle des acquéreurs, celle des militaires auxiliaires et celle des gardiens, en sa tâche propre (οἰκειοπραγία), chacune de celles-ci effectuant dans la cité la tâche qui lui revient ; c’est cela qui rendrait la cité juste » (IV 434c, trad. Leroux modifiée).
C’est d’ailleurs sur cette base qu’Aristote incrimine la trop grande unité de la cité recherchée par Platon, une idée fondamentalement ruineuse dit-il, car l’unité ne représente pas le bien suprême mais s’avère destructrice de la cité, laquelle constitue naturellement une multiplicité (πλῆθος), à savoir un regroupement de gens différenciés. Aristote récuse donc le principe même de l’approche platonicienne : la thèse est indéfendable, « je veux parler, argue-t-il, du fait que ce qu’il y a de meilleur, c’est que la cité soit une, le plus possible : car c’est cette hypothèse que Socrate prend pour base » (1261a15-16). Or c’est de cette unicité excessive ou disons mal comprise que découle l’essentiel des propositions politiques platoniciennes : le communisme des femmes, des enfants et des biens; le pouvoir réservé à une élite seule habilitée à statuer sur les affaires de la cité; l’eugénisme revendiqué et le reste. Au final, raisonne Aristote, l’on aboutit de la sorte à deux cités en une, une cité formée de deux groupes hétéroclites et hostiles l’un par rapport à l’autre (cf. II 5.1264a24-25).
L’on aura compris ainsi l’importance stratégique de cette remise en cause des prémisses platoniciennes dont j’entreprends de tirer toutes les conséquences au chapitre 3 de mon essai (« L’efficacité démocratique : intelligence collective et théorie cumulative »). En défendant le principe de l’alternance des charges, Aristote s’acheminait tout naturellement vers sa propre conception de la citoyenneté puisqu’au Livre III, il définit lui-même le citoyen de la manière suivante : « de celui qui a la possibilité de participer au pouvoir délibératif ou judiciaire, nous disons qu’il est de fait citoyen de cette cité, et nous appelons, en bref, cité l’ensemble des gens de cette sorte quand il est suffisant pour vivre en autarcie » (1275b19-21). En d’autres termes, la cité implique le regroupement de gens de cette sorte, à savoir de citoyens entre lesquels l’alternance des charges a effectivement cours, sans quoi la possibilité de la participation mentionnée, « au pouvoir délibératif ou judiciaire », ne serait aucunement satisfaite dans les faits. Or cette définition de la citoyenneté, universelle et qui convient donc en principe à toute cité, l’on comprend tout de suite qu’elle correspond au plus haut point à la cité démocratique, puisque c’est dans un régime de ce type que l’alternance est la plus largement pratiquée, comme le reconnaît Aristote lui-même : « C’est pourquoi le citoyen tel que nous l’avons défini existe surtout en démocratie; dans les autres régimes, il peut aussi se rencontrer, mais pas nécessairement » (1275b5-7). Aristote précise par ailleurs, le point est absolument crucial, qu’« être commandé et commander diffèrent spécifiquement » (εἴδει, I 13.1259b37), et l’on a vu que l’alternance des charges impliquait elle-même un devenir-autre : « Alors, les uns gouvernent et les autres sont gouvernés chacun à tour de rôle, comme s’ils étaient devenus autres » (II 3.1261b4-5).
Ces données s’avèrent déterminantes et ont orienté toute la suite de l’enquête menée. Car enfin, qu’est-ce que l’argument cumulatif de III 11, si ce n’est la défense d’une pratique effective du pouvoir partagé par les citoyens ? Or, n’est pas moins magistrat pour Aristote celui qui remplit le rôle de juge que celui qui est membre de l’Assemblée (1275a26), et ce sont mêmes, nous dit-il, les membres de l’Assemblée que l’on peut considérer comme les plus puissants des magistrats (1275a28-29). Si tel est le cas, n’est-il pas logique qu’Aristote fasse état des avantages épistémologiques et pratiques de l’exercice délibératif qui se trouve avoir cours dans de telles assemblées, là où justement les citoyens se révèlent pleinement citoyens, et n’est-il pas logique et cohérent aussi qu’il se porte ensuite à la défense d’un régime constitutionnel qui laisse place à de tels éléments ?
Une analyse attentive des arguments de III 11, auxquels font d’ailleurs écho d’autres passages dans le traité, révèle que la délibération commune comporte de multiples atouts et que ses impacts sont divers puisqu’elle agit tout à la fois sur la vertu, l’intelligence pratique, les dispositions éthiques et l’intelligence : « étant plusieurs, chacun possède une part (μόριον) de vertu (ἀρετῆς) de même que d’intelligence pratique (φρονήσεως), et une fois rassemblés, de même que la masse devient un seul homme avec de multiples pieds, de multiples mains et plusieurs organes de sens, de même en est-il aussi pour les caractères éthiques (ἤθη) et l’intelligence (διάνοιαν) » (1281b4-7). Contre le savoir du spécialiste à proprement parler, Aristote fait valoir notamment l’apport possible de l’homme cultivé (le πεπαιδευμένος) ou encore le jugement de l’usager, et il remarque au surplus que les possessions de la masse dépassent même l’avoir des riches. Mis ensemble, du moins dans le cas de certains peuples, les citoyens « s’avéreront ou meilleurs juges ou pas plus mauvais » (1282a17), c’est-à-dire ou égaux ou supérieurs aux spécialistes, ce qui consacre une fois pour toutes la supériorité possible du procédé cumulatif.
Fort de ces arguments, Aristote aurait pu en conclure que c’est la multitude elle-même qui devrait décider absolument de tout et s’occuper elle-même de tout, mais demeurant prudent, telle n’est pas la conclusion qu’il tire, soulignant plutôt qu’elle doit veiller « aux élections des magistrats et aux redditions de comptes », c’est-à-dire recourir aux gens compétents, aux meilleurs, tout en les gardant sous contrôle. Les individus ordinaires ne doivent pas « gouverner individuellement » (1281b34), même s’il est indéniable qu’« une fois rassemblés (συνελθόντες), ils détiennent une perception (αἴσθησιν) suffisante des choses, et que mélangés avec les meilleurs, ils sont utiles aux cités » (1281b35-36). Or cette situation politique où la multitude participe aux affaires en conjonction avec une certaine élite qui y apporte son expertise, ce mélange de la masse indifférenciée avec les meilleurs, nous reconduisent tout naturellement aux développements des Livres IV à VI où les différents mélanges possibles de gouvernements se trouvent savamment examinés.
Le chapitre 4 de mon ouvrage (« La constitution excellente selon Aristote : la politie ») se penche alors sur les différents types de mélanges décrits par le Stagirite et fait voir le lien pour ainsi dire naturel existant entre les avancées du Livre III, chapitre 11 (on ne parlait cependant jamais alors de politie en tant que telle) et le nouveau régime idéal, idéal au sens pratique du terme, idéal en même temps que réalisable : la politie. J’ai fait observer qu’Aristote ici avance seulement pas à pas et semble à la recherche d’une solution qu’il ne détient pas encore, laquelle va d’ailleurs passer, en IV 3, par l’abandon ou disons la remise en cause de la topique classique des 6 régimes.
Un premier mode de dérivation se trouve alors rapporté par le Stagirite, celui entrevu par la majorité des gens selon lequel il n’existerait à la base que deux régimes principaux, deux régimes matriciels, la démocratie d’un côté et l’oligarchie de l’autre – comme il n’existerait finalement que deux vents fondamentaux, les boréens du nord et les notia du sud, dont tous les autres vents dériveraient, ou encore deux harmonies premières, la dorienne et la phrygienne, dont les autres dépendraient –, les autres régimes valant comme des sous-catégories des premiers, car l’aristocratie s’avère finalement une sorte d’oligarchie, et la politie de démocratie. « C’est surtout de cette manière, précise alors Aristote, que l’on a coutume de considérer les constitutions » (IV 3.1290a22-24), mais il ne nous apprend rien de plus sur ces « gens » qui ont ainsi coutume d’entretenir ce point de vue, que l’on peut néanmoins supposer être celui des Athéniens en général. À la même époque qu’Aristote, peut-être avant, peut-être après lui, Platon lui-même dans les Lois avait évoqué une telle dualité principielle des régimes.[4]
Quoi qu’il en soit, à la suite de plusieurs tentatives de reclassifications des constitutions au Livre IV, des chapitres 1 à 10, Aristote entreprend de montrer en IV 11 que c’est bien la politie, un régime qu’on traduit parfois par en parlant d’un gouvernement constitutionnel, qui forme désormais l’aristè politeia, à savoir la constitution excellente. Or ce dernier prend soin de noter que « la politie, pour parler schématiquement, est un mélange d’oligarchie et de démocratie. Mais on a l’habitude, signale-t-il, d’appeler politie les formes de mélanges qui penchent vers la démocratie, et plutôt aristocratiques, celles qui penchent vers l’oligarchie » (IV 11.1293b33-37), tant et si bien que l’on se retrouve avec la politie en présence d’une démocratie mâtinée d’éléments oligarchiques, une démocratie modérée correspondant d’ailleurs aux démocraties d’autrefois puisque, comme ce dernier le souligne, « ce que nous appelons aujourd’hui des polities s’appelaient auparavant des démocraties » (IV 13.1297b24-25).
Comme nous l’évoquions précédemment, le début du chapitre 11 pose d’emblée la question de la constitution excellente :
Quelle est la constitution excellente et quelle est la vie excellente pour la grande majorité (πλείσταις) des cités et pour la grande majorité des hommes, en se référant pour juger ni à une vertu qui est au-dessus des individus ordinaires, ni à une éducation qui requiert une [certaine] nature et un cortège de ressources dues à la bonne fortune, ni à une constitution existant conformément à nos vœux (κατ᾽ εὐχὴν), mais à une vie que la grande majorité (πλείστοις) des gens soient capables de mener en commun et à une constitution que la grande majorité (πλείστας) des cités puissent adopter ? (1295a25-31).
Or c’est par un procédé bien typique, à savoir la saisie directe de ce qui constitue le milieu entre les extrêmes, qu’Aristote, au chapitre 11 du Livre IV, fait littéralement naître sous nos yeux la catégorie de la classe moyenne comme une quasi entité en soi, cette dernière ne se réduisant pas à un simple amalgame d’autres éléments mais formant un entre-deux doté de qualités pour ainsi dire propres. Évidemment, pour pouvoir parler d’un certain « milieu », il est nécessaire que les extrêmes existent, mais l’élément intermédiaire ainsi dégagé se voit non seulement rehaussé par rapport aux autres mais pratiquement autonomisé.
À partir de là, les arguments en faveur de la situation médiane de ces gens vont s’accumuler :
1. Les mesoi se montrent plus raisonnables, c’est-à-dire qu’il leur est plus facile d’obéir à l’autorité de la raison (λόγῳ πειθαρχεῖν),[5] par opposition à ceux qui excèdent par la richesse, la puissance, la bonne famille, la beauté, ou ceux qui à l’inverse excèdent par leur misère, leur faiblesse ou leur indignité. Donc les mesoi ne sont pas plus raisonnables ou vertueux en soi, mais c’est leur situation objective qui les rend dans les faits plus dociles, le phénomène étant objectif et pour ainsi dire sociologique (1295b5-11).
2. Les mesoi ni ne fuient le pouvoir ni ne le convoitent ou y aspirent spécialement, deux choses nuisibles aux cités. Pourquoi nuisibles ? Parce que dans la querelle sans fin – toujours menaçante pour la paix des institutions – visant à déterminer qui devrait gouverner, ces citoyens du centre sont facteurs de conciliation sociale (1295b12-13).
3. Contrairement aux mesoi, les citoyens situés aux extrêmes du spectre sont les uns capables de gouverner mais ni ne savent ni ne veulent être commandés, et pour les autres, c’est la situation inverse qui prévaut. Or la cité doit à la base être formée avant tout d’hommes libres (ἐλευθέρων)[6] et donc capables des deux choses d’égale manière. « Il est de la sorte nécessaire, insiste Aristote, que soit constituée au mieux (ἄριστα πολιτεύεσθαι) la cité dont nous disons que les éléments forment, par nature, la composition d’une cité » (1295b27-28), ces éléments étant bien sûr les hommes libres et égaux capables de gouverner comme d’être gouvernés, une exigences plusieurs fois mentionnées dans les Politiques (1295b13-28).
4. Les mesoi s’avèrent par ailleurs les citoyens les plus en sûreté, puisqu’ils ne suscitent pas la convoitise des pauvres et ne convoitent pas eux-mêmes les avoirs des nantis comme le font les pauvres, si bien qu’ils passent leur vie sans danger. Et Aristote de citer dans ce contexte le poète Phocylide de Milet du vie siècle, proclamant : « plusieurs choses dans la moyenne sont excellentes, dans la cité je veux être au milieu » (1295b34).
Au terme de ces quatre premiers arguments, le Stagirite s’estime en mesure de formuler la conclusion qui suit : « il est par conséquent évident que la communauté, celle politique, qui est la meilleure (ἡ κοινωνία ἡ πολιτικὴ ἀρίστη), est celle formée d’individus moyens, et qu’il est possible que de telles cités soient bien gouvernées en lesquelles la classe du milieu est nombreuse et au mieux plus forte que les deux autres classes, ou sinon que l’une des deux » (IV 11.1295b34-38).
Cette conclusion se trouvant définitivement établie, Aristote souligne ensuite que si les dirigeants de cités semblables possèdent eux-mêmes une fortune moyenne et tout juste suffisante, c’est en vérité un heureux hasard (εὐτυχία), comme si par le fait même ils se trouvaient en meilleure posture pour maintenir l’équilibre au sein de la cité. Car là où le déséquilibre des fortunes est important, le vaisseau de la cité, pourrait-on dire, tangue trop d’un côté ou de l’autre, vers une oligarchie ou une démocratie excessive, proches toutes deux de la tyrannie. De là, un nouvel argument en faveur du gouvernement moyen :
5. Or il est manifeste que la [constitution] moyenne est la meilleure (ἡ μέση βελτίστη), car seule elle est non troublée par les factions [ou non sujette à sédition (ἀστασίαστος)]; en effet, là où la classe moyenne est nombreuse, c’est là que les factions et les dissensions naissent le moins parmi les citoyens (1296a7-9).
L’effet bénéfique de la classe moyenne se fait sentir aussi dans les grandes villes où cette classe s’avère importante en nombre, et elle joue également un rôle de stabilisateur au sein même des démocraties. Or le signe, la preuve par les faits (σημεῖον) de cela, à savoir que la situation moyenne contribue au succès, c’est que les meilleurs dirigeants eux-mêmes, souligne Aristote, appartenaient en vérité à la classe moyenne, tels Solon,[7] Lycurgue et Charondas.
Puis, Aristote en arrive à la déclaration finale du chapitre 13, laquelle clôt en même temps cette vaste investigation menée sur la constitution excellente inaugurée depuis le premier chapitre du Livre IV. Le Stagirite y révèle à la fois ce qu’il a entrepris d’analyser dans les chapitres précédents et le résultat net auquel il estime lui-même être effectivement parvenu :
On a donc dit pour quelle cause les constitutions sont multiples, et pourquoi il en existe d’autres que celles dont on parle [habituellement] (car il n’y a pas qu’une seule démocratie, et de même pour les autres constitutions), et aussi quelles sont les différences entre elles et pour quelle raison cette [différenciation] advient et, outre cela, quelle est celle des constitutions qui est excellente, j’entends dans l’immense majorité des cas (τίς ἀρίστη τῶν πολιτειῶν ὡς ἐπὶ τὸ πλεῖστον εἰπεῖν), et, parmi les autres constitutions laquelle est adaptée à quels gens (διὰ τίνα μὲν οὖν εἰσιν αἰτίαν αἱ πολιτεῖαι πλείους, καὶ διὰ τί παρὰ τὰς λεγομένας ἕτεραι (δημοκρατία τε γὰρ οὐ μία τὸν ἀριθμόν ἐστι, καὶ τῶν ἄλλων ὁμοίως), ἔτι δὲ τίνες αἱ διαφοραὶ καὶ διὰ τίνα αἰτίαν συμβαίνει, πρὸς δὲ τούτοις τίς ἀρίστη τῶν πολιτειῶν ὡς ἐπὶ τὸ πλεῖστον εἰπεῖν, καὶ τῶν ἄλλων ποία ποίοις ἁρμόττει τῶν πολιτειῶν, εἴρηται.) (1297b28-34).
Dans de telles conditions, l’on ne s’étonnera pas d’apprendre que sur lesquelque 217 emplois du terme « démocratie » dans les Politiques, s’il y en a bien une quarantaine qui s’avère négatif, la majorité d’entre eux s’avère neutre (autour d’une centaine) et plusieurs assez nettement positifs (50 occurrences environ). Très souvent, en parlant de manière positive d’un régime populaire, on s’attendrait à ce que ce soit le terme politie qui apparaisse, mais c’est celui de démocratie que l’on découvre.
Je voudrais maintenant attirer l’attention sur une singularité du Livre VI, concernant la définition ou disons la caractérisation de ce qui constitue en son fond une démocratie. En VI 2, on peut lire ce qui suit :
Le principe de base de la démocratie c’est la liberté (c’est, en effet, ce qu’on a coutume de dire, parce que c’est seulement dans une telle constitution que les citoyens ont la liberté en partage ; c’est à cela que tend, dit-on, toute démocratie). Et l’une des formes de la liberté c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant. En effet, le juste selon la conception démocratique, c’est l’égalité numérique et non selon le mérite […] Un autre signe distinctif [de la démocratie] c’est le fait de vivre comme on veut (τὸ ζῆν ὡς βούλεταί τις), car, disent-t-ils, tel est l’effet de la liberté, étant donné que la servitude est de ne pas vivre comme on veut. Voilà donc la seconde caractéristique de la démocratie. De là est venue la revendication de n’être, au mieux, gouverné par personne, ou sinon de l’être à tour de rôle. Et cela va dans le sens de la liberté fondée sur l’égalité (VI 2.1317a40b-17, trad. Pellegrin).
Il est vraiment frappant de voir que dans l’explicitation du second trait de la démocratie, à savoir le fait « de vivre comme on veut (τὸ ζῆν ὡς βούλεταί τις) », l’interprétation qu’en propose Aristote colle de très près à la situation qui vaut pour le premier trait. « Vivre comme on veut » n’est pas interprété comme signifiant vivre simplement selon ses désirs, en faisant n’importe quoi ou en se livrant à tous les excès, mais dans le fait de ne pas vivre sous l’emprise d’un autre, c’est-à-dire comme un esclave, et même de ne pas être gouverné par personne d’autre. Mais puisqu’il n’est guère envisageable ou réaliste de n’être gouverné par absolument personne, on peut à défaut être tour à tour gouvernant et gouverné, voilà ce qui satisferait pratiquement le désir de vivre comme on veut. Bref les deux cas mentionnés par Aristote comme caractéristiques de la démocratie – la liberté d’un côté, vivre comme on veut de l’autre – trouvent leur expression ou leur satisfaction dans la participation aux affaires, rien ne les distingue plus en réalité l’un de l’autre. L’on peut penser qu’en traitant le sujet de la sorte, celui-ci coupait court aux critiques adressées par Platon au régime démocratique en République VIII 561c-562a, le fait qu’un tel régime encourage le relâchement et la poursuite des plaisirs personnels (liberté négative), mais nullement l’engagement (liberté positive).
Or le τὸ ζῆν ὡς βούλεταί τις aristotélicien ne comporte plus rien de déréglé, il n’est plus caractérisé par ses excès mais par ses éventuels engagements. Cela signifie-t-il qu’Aristote ignore la liberté par excès ? Nullement, il sait qu’elle peut exister mais surtout dans les démocraties extrêmes dont il parle au Livre V et que du reste il réprouve :
[…] dans les démocraties qui semblent les plus démocratiques c’est le contraire de ce qui est utile qui s’est établi, la cause de cela étant qu’on définit faussement ce qu’est la liberté. Car il y a deux choses par lesquelles la démocratie semble pouvoir être définies, le fait que la multitude soit maîtresse et la liberté; car le juste semble d’une part être ce qui est égal, et l’égal, à savoir cela qui paraît tel à la multitude, voilà ce qui est maître, et d’autre part, par le fait qu’est libre et égal celui qui peut faire ce qu’il veut : de sorte que dans de telles démocraties, chacun vit comme il veut et « en vertu de ce qu’il désire », comme le dit Euripide (fr. 883). Or cela est mauvais, car il ne faut pas considérer comme une servitude le fait de vivre en vertu d’une constitution, mais comme un salut ( οὐ γὰρ δεῖ οἴεσθαι δουλείαν εἶναι τὸ ζῆν πρὸς τὴν πολιτείαν, ἀλλὰ σωτηρίαν) (V 9.1310a26-38).
Quand Aristote remarque ici que « οὐ γὰρ δεῖ οἴεσθαι δουλείαν εἶναι τὸ ζῆν πρὸς τὴν πολιτείαν, ἀλλὰ σωτηρίαν », il annonce en vérité l’enseignement de VI 2 selon lequel participer aux affaires affranchit de l’état de sujétion et permet de « vivre comme on veut », mais comme on veut entendu dans le bon sens, un sens qui est d’ailleurs compatible avec la vie démocratique elle-même.
Dans mon livre, j’ai attiré enfin l’attention (chapitre 5 : « La place des Livres VII et VIII dans le traité des Politiques ») sur l’écart doctrinal subsistant entre les Livres VII-VIII et la conception du meilleur régime défendu en IV 11-13. Ce n’est pas seulement que le Livre VII commence par s’interroger sur la constitution excellente en ignorant superbement les développements qu’offre le bloc des Livres IV-VI sur le sujet (cf. p. 265), c’est aussi qu’il exclut de la participation à la vie politique la classe des artisans, des marchands et plus encore des paysans (cf. 1328b39-1329a2), à la base pourtant de la meilleure démocratie dans les Livres antérieurs, et de là, comme je l’ai suggéré, « la rupture qu’introduit le Livre VII par rapport aux Livres III à VI s’il vient après eux, ou l’écart qui le sépare de ceux-ci s’il les précède, cette dernière hypothèse s’avérant de fait la plus convaincante » (p. 256).
Quoi qu’il en soit de toutes ces difficultés, les percées réalisées par Aristote sur le plan de la réflexion politique se révèlent indubitablement majeures dans cet écrit, qu’il s’agisse de sa défense de l’approche cumulative en politique, laquelle redonne de la dignité à une large partie des citoyens, ou de sa promotion originale de la classe moyenne, deux éléments que l’on peut qualifier de révolutionnaires et dont la postérité a tiré dans le passé, et tire encore aujourd’hui, un très large profit.
Athènes et nous
La liberté chérie par les Athéniens, c’est un peu le type de liberté que nous encensons nous-mêmes aujourd’hui. Sur ce point, très brièvement, je reprendrais volontiers la réflexion du grand spécialiste de la démocratie grecque qu’est Mogens Herman Hansen. À ceux qui dénient l’existence d’une telle parenté entre les Grecs et nous, ce dernier posait simplement la question suivante: « Si les Athéniens n’avaient aucune notion de la liberté individuelle, comment se fait-il qu’elle apparaisse comme un idéal dans les sources qui vantent la démocratie ? […] Si les Athéniens n’avaient aucune idée de la liberté individuelle, c’est pour moi un mystère, note-t-il, de constater qu’ils sont capables de la décrire dans des mots et des phrases qui sont si proches de ceux utilisés par les champions modernes de la liberté […] ».[8] On peut comparer à ces remarques les propos jadis d’un Benjamin Constant qui, dans un essai resté justement célèbre, remarquait lui aussi : « De tous les États anciens, Athènes est celui qui a le plus ressemblé aux modernes. Athènes […] était de toutes les républiques grecques la plus commerçante, aussi accordait-elle à ses citoyens infiniment plus de liberté individuelle que Rome et que Sparte […]; le commerce avait fait disparaître des Athéniens plusieurs des différences qui distinguent les peuples anciens des peuples modernes ». Et Constant d’ajouter : « on sera frappé de leur amour excessif pour l’indépendance individuelle ».[9] Vivre en démocratie, cela signifie fondamentalement vivre de manière libre et pouvoir s’exprimer à égalité avec d’autres en toute franchise, d’où l’existence d’une sorte de triade socio-politique : la triade démocratie-liberté-égalité (de parole), à savoir, en grec, la triade δημοκρατία-ἐλευθερία-ἰσότης (ἰσηγορία). Les éléments de cette triade sont mentionnés par plusieurs auteurs antiques, que ce soit simplement pour exposer les contours de la démocratie en exercice, se porter à sa défendre ou au contraire la critiquer.
Or, les deux dimensions de la liberté restent importantes, la vie privée d’un côté, la vie publique de l’autre, comme y insistait Constant lui-même :
Le danger de la liberté antique était qu’attentifs uniquement à s’assurer le partage du pouvoir social, les hommes ne fissent trop bon marché des droits et des jouissances individuelles. Le danger de la vie moderne, c’est qu’absorbé dans la jouissance de notre indépendance privée, et dans la poursuite de nos intérêts particuliers, nous de renoncions trop facilement à notre droit de partage dans le pouvoir politique.
Si donc on doit éviter les excès de l’un ou de l’autre, on doit aussi préserver la coprésence des deux éléments et s’accommoder d’une dose d’individualisme à laquelle il serait difficile et d’ailleurs nullement profitable de renoncer. La comparaison des deux formes de démocratie peut nous conforter dans cette expérience riche et complexe que constitue la vie démocratique.
Le message final d’Aristote est que la démocratie, quand elle s’exerce dans un cadre légal approprié et accorde une place à certains critères d’excellence, s’avère un bon régime, sans doute même le meilleur, le plus stable en tout cas du fait de l’assentiment obtenu d’un grand nombre de personnes (classe moyenne), le plus d’aujourd’hui, insiste-t-il, où l’on trouve beaucoup de gens bien formés et aptes à participer aux affaires publiques. Au fond, c’était déjà pour lui le régime de l’avenir, ce en quoi l’avenir lui-même lui a donné raison.
Bibliographie
La bibliographie suivante comporte les plus importantes contributions dont notre ouvrage aura tenu compte. Pour une discussion plus approfondie, voir Narbonne (2020).
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[1] Narbonne (2020).
[2] A. Francotte, en effet, tient que l’écrit est « un fatras en huit livres », expliquant que « l’ouvrage consiste dans une enfilade de mémoires distincts », et qu’il n’y a rien d’étonnant par suite à ce que « la Politique soit marquée par des redites, des discordances et même par des contradictions », à quoi s’ajoutent « des lacunes, voire des coupures », d’où « des disparates assez nombreuses et le défaut de plusieurs développements annoncés » (cf. Bodéüs 2004, p. 1320).
[3] Narbonne (2020) p. 5.
[4] Cf. Lois, III 693d-e.
[5] Un verbe rare (πειθαρχεῖν), 3 occurrences dans les Politiques, qui signifie obéir à qui commande, à ce qui détient l’autorité (lois, magistrats, gouvernement, etc.).
[6] Ce qui nous renvoie directement au modèle démocratique de constitution comme à celui-là seul (cf. supra, 1275b5-7) où l’individu peut être pleinement citoyen.
[7] Sur Solon comme « l’homme du milieu », voir notamment l’exposé de Caire (2016) rappelant entre autres (p. 342) le célèbre fragment 5 West [= Arist. Ath. Pol. 12, 1 et Plut. Sol. 18.5] de Solon : « Au peuple j’ai donné autant de prérogatives qu’il suffit, sans diminuer ni augmenter sa dignité ; ceux qui avaient la puissance et en imposaient par leurs richesses, j’ai pris garde qu’ils n’aient pas une part indigne d’eux. Je me suis tenu debout, protégeant les deux partis d’un fort bouclier ; à aucun des deux je n’ai permis de vaincre injustement ».
[8] Hansen (2010) pp. 338-9 (ma traduction).
[9] Constant (1997) pp. 595, 600 et 601 pour les trois passages cités.